Article paru dans Romandie le 7 Janvier 2013
Berne (awp/ats) – L’Autriche et le Luxembourg refusent toujours d’abolir leur secret bancaire au profit de l’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne (UE). Mais la loi fiscale américaine FATCA pourrait bien changer la donne.
Tout dépendra de la façon dont les deux pays reprendront cette loi, qui doit permettre à Washington d’imposer tous les comptes détenus à l’étranger par les personnes soumises à l’impôt aux Etats-Unis. Tant Vienne que Luxembourg se préparent à négocier avec le gouvernement américain à ce sujet.
Seulement, FATCA a une portée plus large que la directive européenne qui prévoit l’échange automatique. Et les Etats membres de l’UE pourraient imposer cet échange aux deux récalcitrants “en invoquant la clause de la nation la plus favorisée”, explique à l’ats Pascal Saint-Amans, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
ECHANGE AUTOMATIQUE
La mise en oeuvre de FATCA était d’ailleurs au coeur des discussions, juste avant Noël à Luxembourg, entre la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf et le ministre luxembourgeois des finances Luc Frieden. Ce dernier a reconnu, à demi-mot, que les concessions accordées à Washington affaibliraient la position de son pays au sein de l’UE.
Pour l’heure, l’Autriche et le Luxembourg ne semblent pourtant pas prêts à céder aux pressions sur le secret bancaire. En novembre encore, ils ont bloqué les avancées voulues par la Commission européenne dans le domaine de la fiscalité de l’épargne, empêchant l’exécutif communautaire d’entamer des négociations avec cinq pays tiers dont la Suisse.
Ils évitent ainsi le passage à l’échange automatique d’informations, qu’ils seraient tenus d’appliquer si ces négociations aboutissent. Une directive européenne prévoit en effet ce basculement dès que les Vingt-Sept auront approuvé des accords avec ces Etats tiers sur l’échange de renseignements fiscaux.
INACCEPTABLE
Inacceptable, selon les deux pays, qui redoutent que les places financières européennes hors UE, comme la Suisse, soient soumises à des règles moins strictes. Face au spectre d’un exode massif des capitaux, Vienne et Luxembourg veulent bétonner le système qu’ils appliquent actuellement, celui d’une retenue à la source sur les paiements d’intérêts à des non-résidents.Pour l’heure, l’intransigeance semble payer. En maintenant son veto à l’échange automatique d’informations, le Luxembourg gagne un temps précieux pour permettre à sa place financière de diversifier ses acquis. “C’est une stratégie très habile”, estime Thierry Afschrift, avocat fiscaliste aux barreaux de Bruxelles, Genève et Luxembourg.
Selon lui, alors que la Suisse a longtemps misé sur le secret bancaire avant de l’abandonner précipitamment, le Grand-Duché a anticipé le changement de paradigme. “Il a développé avec succès des formules conformes au droit communautaire pour attirer des fortunes étrangères, comme le fonds d’investissement spécialisé luxembourgeois”, relève l’expert.
TRADITION DE CONFIDENTIALITÉ
De son côté, le Ministère autrichien des finances réaffirme à l’ats son refus de l’échange automatique, invoquant les traditions de confidentialité. “En outre, notre secret bancaire représente un avantage comparatif”, ajoute la porte-parole Daniela Kinz, affichant son souci d’attirer des capitaux étrangers en Autriche pour y drainer de nouvelles recettes fiscales.
En matière de secret bancaire, la république alpine a pris la Suisse en exemple “sans jamais égaler son succès”, explique Werner Doralt, professeur de droit financier à l’Université de Vienne. Selon lui, l’Autriche évolue aujourd’hui “dans l’ombre de la Suisse” face aux pressions internationales sur la confidentialité bancaire, à l’instar d’ailleurs du Luxembourg.
Face à l’intransigeance affichée des deux pays, la Suisse ne s’attend pas à devoir renégocier l’accord bilatéral sur la fiscalité de l’épargne avec l’UE dans un futur proche. “J’ai l’impression que la situation ne va pas changer du jour au lendemain”, déclarait récemment l’ambassadeur suisse auprès de l’Union, Roberto Balzaretti, dans une interview à “L’Agefi”.
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