Dans cette interview publiée sur La Tribune le 12 Février 2014, le journaliste Fabien Piliu échange des propos sur l’Exil Fiscal avec Thierry Denjean, président fondateur de Denjean & Associés.
Thierry Denjean donne une conclusion assez positive sur la France, en rappelant que c’est un pays où l’innovation est très forte, mais les autres paragraphes mettent en avant des pratiques courantes du Fisc français vis à vis des entreprises :
- Les entreprises françaises se font quasiment toutes contrôlées après l’obtention d’un Crédit Impôt Recherche : sorte de double pleine pour l’entrepreneur qui doit d’abord investir de nombreuses heures à remplir des tonnes de papiers pour obtenir ce crédit, puis devra passer des heures avec les agents du Fisc pour à nouveau justifier le bien fondé de sa demande et de l’utilisation de ce crédit.
- L’instabilité fiscale est un grand facteur d’inquiétude chez les Entrepreneurs : en alternant Droite et Gauche, l’un voulant lutter contre les paradis fiscaux, l’autre qui n’aime pas les riches, chacun y va de son changement des les procédures fiscales, mais au bout les fonctionnaires – eux – ne changent pas et c’est le Chef d’Entreprise qui doit s’y retrouver pour comprendre les changement de lois, et pouvoir naviguer tant bien que mal avec la crainte d’un contrôle fiscal.
- “Avec la surcotisation, le taux facial s’élève à 38% pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros” : ce qui est un vrai record en la matière.
- Thierry Denjean déclare aussi que ” Seuls les très gros salaires sont concernés par la question. Les autres cèdent trop facilement à un effet de mode.” Il faudrait ici définir la notion de gros salaire, et aussi étudier la question du statut de Résident Non-domicilié au Royaume-Uni qui permet à tout entrepreneur qui a économiser de ne pas payer d’impôt pendant ses première années à Londres.
- Quant à la question de mode de l’exil fiscal : cela ressemble plutôt à une habitude qui devient de plus en plus populaire.
- Et pour finir : “Ce n’est plus la France qui est le terrain de jeu des entreprises mais le monde entier.” tout à fait d’accord : les nouveaux entrepreneurs sont ouverts vers le monde entier, et il est aujourd’hui très facile de d’installer son activité sans des pays à fiscalité “avantageuses.
Voici l’article :
Dans un entretien accordé à La Tribune, Thierry Denjean, président fondateur de la firme d’expertise-comptable et d’audit Denjean & Associés revient sur les dernières modifications du paysage fiscal tricolore. Il formule plusieurs propositions pour rendre celui-ci plus attractif. Les Assises de la fiscalité ont débuté très récemment. Qu’attendez-vous de cette manifestation ?
Le gouvernement doit agir vite et frapper fort, s’il veut que la fiscalité soit un véritable levier de développement de nos entreprises.
Mais la remise à plat de la fiscalité prendra du temps. Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, estime qu’il faudra au moins deux quinquennats pour rebâtir la fiscalité française !
Pourquoi faudrait-il tout remettre à plat ? Certaines mesures fonctionnent très bien. Nous pouvons citer le crédit impôt recherche [CIR] qui est un indéniable facteur d’attractivité.
Beaucoup de nos concurrents ont copié, voire amélioré ce dispositif…
Certes, mais peu d’entre eux peuvent le combiner avec une véritable excellence de la recherche. La France est à la pointe dans de nombreux domaines scientifiques. Il ne faut pas l’oublier. Tout ne va pas si mal en France.
Pourtant, un certain nombre d’entreprises se plaignent d’avoir été contrôlées par les services fiscaux après avoir bénéficié du CIR.
C’est quasiment systématique. Je note également un durcissement des relations entre le Fisc et les entreprises. Le moindre retard déclaratif se paie cher car l’administration fiscale doit gonfler ses recettes. Les modérations et les remises gracieuses sont désormais extrêmement rares.
Quelles seraient selon vous les priorités sur lesquelles les Assises de la fiscalité devraient se pencher ?
L’instabilité de la fiscalité est un des sujets d’inquiétude majeurs pour les chefs d’entreprises. Mais, à mon grand étonnement, il n’y a pas de groupe de travail qui planche sur ce thème lors des Assises.
Faut-il abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés ?
Avec la surcotisation, le taux facial s’élève à 38% pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros ; c’est l’un des plus élevés au sein des pays de l’OCDE. Même si l’optimisation fiscale permet d’abaisser ce taux à 8% – 10%, il faut bien que le gouvernement se mette dans la tête qu’un taux d’IS aussi élevé est un véritable repoussoir pour les investisseurs étrangers.
Comment faudrait-il procéder ?
L’harmonisation de l’impôt sur les sociétés au niveau européen est la voie à suivre. En France, l’assiette de l’IS est trop faible car totalement mitée. Il faut prendre exemple sur l’Allemagne. Outre-Rhin, où le taux d’IS est de 29,8%, l’assiette de l’IS intègre par exemple l’amortissement de l’outil industriel ainsi que les provisions. Ce n’est pas le cas en France.
L’IS n’est pas le seul sujet. Supprimer l’imposition forfaitaire annuelle [IFA] calculée sur le chiffre d’affaires était une bonne idée car toutes les entreprises assujetties à l’IS devaient l’acquitter, même celles qui ne faisaient pas de bénéfices. Mais le principe de solidarité sur lequel reposait cet impôt était accepté par les entreprises. Si les entreprises, et ceci vaut aussi pour les ménages, ont le sentiment que les efforts sont partagés par tous, le poids de la fiscalité est mieux accepté.
Faut-il encore qu’il y ait une véritable volonté politique ? Nos voisins n’ont pas vraiment intérêt à ce que la fiscalité soit harmonisée.
C’est la question. Lorsque la volonté politique est là, tout est possible. La lutte contre la fraude fiscale faisait l’unanimité. Résultat, en vingt-quatre mois, les paradis fiscaux européens, dont la Suisse, ont fait des efforts de transparence et de coopération considérables.
Le poids de la fiscalité pousse-t-il réellement les Français à l’exil ?
C’est un leurre ! Seuls les très gros salaires sont concernés par la question. Les autres cèdent trop facilement à un effet de mode. S’ils révisaient leurs mathématiques, ou s’ils étaient bien conseillés, les revenus élevés se rendraient compte que le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.
Cette fuite des capitaux est-elle irréversible ?
C’est l’internationalisation qui est irréversible. Ce n’est plus la France qui est le terrain de jeu des entreprises mais le monde entier. Certes, le poids de la fiscalité est très élevé en France mais elle a bien d’autres éléments à faire valoir, notamment sa puissance d’innovation, pour lui permettre d’équilibrer ses flux de capitaux avec le reste du monde.
veronique pic a écrit
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